Le calendrier des poussins par Thierry (au 09/12/2024)
24 heures Marche de Ch-Thierry 1976
26 avril 1976
Ils ont marché durant vingt-quatre heures, et pendant ce temps, nous avons dormi, nous avons mangé, nous avons regardé la
télé, nous avons lu, travaillé ou vu un film au cinéma, bavardé et fait un tas d’autres choses, qu’eux, avaient renoncé à faire.
Qui n’a eu, au cours de cette longue nuit froide, confortablement assis dans un fauteuil, enfoui douillettement dans les
draps, le matin au réveil, en savourant son café, ou debout, derrière ses rideaux en les voyant passer, une pensée pour
ces « pauvres gars » qui se déhanchaient dans le vent, semblant marcher sur des œufs, les bras comme désarticulés, lancés
dans une poursuite qui paraissait désespérément interminable.
Pourtant eux, croysz-le bien, n’étaient pas à plaindre. Ils participaient volontairement, a une épreuve sportive, dure
certes, surtout en raison du temps particulièrement défavorable, mais dont la difficulté correspond tout à fait à leur
tempérament de lutteur. Marcheraient-ils dans des conditions aussi rebutantes, tenaillés par la douleur, s’ils n’étaient
des hommes courageux, plus préoccupés de vaincre leurs souffrances, de triompher d’eux mêmes, que de gagner des places
et de bien terminer. D’ailleurs, il n’y a qu’un premier, et la plupart ne prétendent pas à la victoire.
L’une des satisfactions des concurrents, des organisateurs locaux surtout, aura été de voir que le public
castelthéodoricien a témoigné de l’intérêt à cette compétition, comme il en était, dans les années cinquante,
quand le club « marchait » si bien.
Ça me rajeunit de vingt ans, nous disait avec émotion, sur la ligne de départ, Raymond Brochot, qui fut un des
animateurs de cette section du CSCT, quand les frères Mayeur en étaient les vedettes, et qu’Elie Bourgeois commençait à faire un peu parler de lui.
Les « cracks » et les autres
Bourgeois, hier, a fait bien plaisir à ses copains de la C.O.M.A.C.I. nombreux à l’encourager.
Certes, on a effectivement retrouvé à l’arrivée, quelques-uns des craks de la spécialité, les Rinchard,
Anxionnat, Champmartin, mais d’autres ont abandonné, et non des moindres, tels : Zaugg
(vainqueur de Strasbourg - Paris en 1970) au 46 kilomètre ; Lavaine (ex-champion de France du marathon) au 115 kilomètre ;
Bracq (2° de Strasbourg - Paris-200 km. de Méru) au 105 kilomètre ; Bracq (2 de Strasbourg - Paris en 1971) au 54e
kilomètre, tandis que notre concitoyen lui, terminait pas bien loin des meilleurs, 12e ayant parcouru 176km720
en 24 h. 15, et même s’étant offert le luxe un moment d’être en 7’ position, avant de rétrograder et de perdre
du terrain dans les cinq heures qui ont précédé l’arrivée.
Bordier lui, avec 123 km., ne s’est pas mal comporté non plus. Mais on peut se montrer admiratif, surtout vis-à-vis
du jeune Rio, 20 ans (il est brancardier à l’hôpital) et qui, il faut bien le dire, n’a pas une constitution athlétique
remarquable. Il a pourtant marché jusqu’à l’aube et ne s’est résigné à abandonner au 85e km. « que parce que
M. Jean-Claude Toison l’y a contraint ». - Si je ne t’avais pas arrêté, tu serais mort sur la route » lui disait-il hier soir à la mairie.
Et Rio encore déçu, de répondre : « J’aurais mieux aimé mourir, mais continuer... ».
Avec des garçons de cette trempe, la marche, elle, est-elle morte à Château-Thierry ? Assurément non.
(Voir le classement en page sportive).
Elie Bourgeois le seul castel à avoir tenu toute la nuit, et, bien mieux, 24 heures, s’est nourri
exclusivement de yaourt. Il en avalait un à chaque passage devant son stand de ravitaillement installé
près du groupe scolaire de la Mare Aubry, et repartait aussitôt escorté de fidèles entraineurs
anonymes. Tout au long du parcours, le public local l’encourageait, car il tenait
admirablement sa place dans
cette impitoyable épreuve destinée rappelons le à selectionner les concurrents du prochain Paris-Strasbourg.
A 39 ans , Bourgeois qui n’avait pas vraiment repris ce genre d’activité depuis 20 ans hormis quelques participations
à des compétitions mineures semble avoir retrouvé un second souffle. Il est en tous cas, volontaire et courageux.
"Je terminerai" avait il dit. Et il l’a fait, comme les plus grands. Peut-être le verra t-on hors concours,
dans Paris-Strasbourg. Du moins de Paris à Château-Thierry 90 kilomètres, une promenade !
Les marcheurs n’ont pas eu chaud, à tourner toute la nuit dans les rues de la ville où s’engouffrait le vent ;
ni sur le remblai de la voie express, exposés qu’ils étaient, là plus qu’ailleurs, aux imtempéries.
Mais au moins s’actionnaient-ils. Tandis que les volontaires qui assuraient service d’ordre et contrôles, de nuit,
comme de jour, immobilisés aux points qui leur avaient été assignes, étaient litéralement frigorifiés.